Comment je n’ai pas trompé mon mari

Cela faisait 11 ans que j’étais avec François, mon mari. On s’est connu en terminal dans un établissement privé de Yaoundé. Ça n’a pas été tout de suite le coup de foudre mais notre amitié grandissante m’a laissée entrevoir que cet homme restera dans ma vie .

Trois mois après notre première rencontre, nous avons commencé à nous fréquenter et petit à petit, nous sommes devenus des amis. Très rapidement, notre relation est devenue sérieuse. S’en sont suivis des projets de mariage et d’enfants avant même le bac.

Moi, je voulais juste vivre ma vie de femme de mon âge

On ne s’est plus jamais quitté. Même pas une petite rupture, nous n’avions connu. Quelque temps après, j’ai passé un BTS en économie sociale et familiale et lui, sa licence en sciences économies. Puis, il est parti, en France poursuivre ses études. Ça a été notre première séparation et j’en ai été particulièrement bouleversée. Notre amour était si fort qu’il m’a invitée à le trouver au bout d’ un an de distance.

Après une année sans papiers, j’ai fini par obtenir mon titre de séjour et j’en ai profité pour m’inscrire à la fac. On s’est marié à la fin de nos études. L’occasion était belle pour que nos parents respectifs nous rendent visite.

Mon beau-père m’a trouvé du travail grâce à ses connaissances à Paris. Dès lors, je me suis sentie libre et autonome, c’était ma première fois de travailler vraiment. Très rapidement, j’ai passé mon permis de conduire. Je suis une personne sociable, c’est donc rapidement que je me suis faite des amis dans mon lieu de service.

Il ne se passait pas un week-end sans qu’on ne se fasse inviter. C’est dans cette ambiance que mon mari a été affecté dans le sud de la France. Le suivre signifiait perdre mon boulot. J’en avais pleuré des jours et des nuits durant.

Mon mari avait besoin de ce travail pour acquérir de l’expérience avant le retour au pays. Et moi, je voulais juste vivre ma vie de femme de mon âge. Je m’étais construite une communauté d’amis et ne voulais pas la perdre. C’est en larmes que j’ai quitté Paris.

Notre appartement était joli mais l’idée de rester des heures à ne rien faire me rendait d’emblée malade. Pourtant, nous avions des voisins très gentils. Mais à mon avis, ils ne pouvaient pas remplacer mes amis. En plus, le cadre ne valait pas Paris à mes yeux. Contrairement à moi qui avait été emporté par le snobisme de la capitale, mon époux préférait ce nouvel environnement à notre vie mondaine d’avant.

-C’est comme si on demande à une fille de Douala d’aller vivre à Yokadouma ! Expliquais-je à ma mère, un soir de grosse déprime.

Soucieux de mon bien-être, François avait passé le mot à son lieu de service disant que sa femme cherchait du travail. C’est ainsi que j’ai commencé dans une association d’aide au logement.

Dès les premiers jours, Christian, mon chef m’a tapée à l’œil. Si au début, il m’évitait beaucoup, au bout de quelque temps, c’est devenu bien difficile.

Nous passions des heures à parler après le travail. Même si nous n’avions jamais pris un seul verre ensemble à la terrasse d’un café, nous discutions énormément. Puis un jour, il nous a invité à son baptême. Il s’était converti au christianisme tardivement. J’y suis allée sans François qui, parfois, préférait se reposer le dimanche. Et ce baptême nous a beaucoup rapproché. Moi, protestante et lui catholique, « On parlait plus de ce qui nous rapprochait que de ce qui nous éloignait. » préférait-il.

La solitude des gens heureux

Petit à petit, j’avais pris mes habitudes dans son église à la grande joie de mon mari qui n’avait jamais réussi à me faire revenir dans une église catholique après notre mariage. J’étais abonnée aux mêmes lectures chrétiennes que Christian et me rendais aux mêmes conférences. S’étant rendu compte que j’étais devenu sereine, mon mari se permettait de travailler plus pour gagner plus.

Mais ce ménage sentimental à trois a commencé à prendre fin quand Camille mon ancienne collègue et Adeline, mon ancienne DRH sont venues me voir. Jusque là, c’est moi qui montais à Paris.

Sous proposition de Christian, mes amies et moi avions visité les Alpes. Au cours de ce voyage, je m’étais assise à l’arrière avec Adeline et Camille était montée devant. Si au début, je ne m’étais pas inquiétée, ce qu’elle me rapporta de la journée me perturba sérieusement. J’étais jalouse !

Alors ont commencé des heures de pleurs. Je ne sais plus si je culpabilisais face à mon mari ou parce que Camille semblait me supplanter auprès de Christian. Dès ce moment, je ne semblais plus vraiment à l’aise dans ma situation d’épouse amoureuse de deux hommes. De temps en temps, mon amie me rapportait ses échanges téléphoniques avec Christian.

-Il est très croyant et voudrait épouser une femme croyante, me dit-elle un jour. Des détails que j’ignorais et qui me rendaient encore plus jalouse : Camille était au courant des informations que je n’avais pas.

Cette année-là en vacances de Noël au Cameroun, j’ai entendu mon mari émettre le souhait de rentrer bientôt au pays. Mon sang ne fit qu’un tour. Comment allais-je vivre loin de Christian. J’éclatais en sanglots. François qui pensait que je vivais mal les changements tentait de me réconforter en m’expliquant sa stratégie de retour au pays. Il était enthousiaste de monter son projet avec moi.

A mon retour en France, Camille m’accueillait avec son désir de s’installer dans le sud et de se rapprocher de Christian. Mon patron lui plaisait et elle s’apprêtait à tout plaquer pour le retrouver.

-Tu peux lui demander. Il ne tient pas en place. Mais on va attendre un peu car il ne veut pas vivre avec une femme sous le même toit sans l’avoir au préalable épousée, confia-t-elle émue.

J’avais à peine raccroché le téléphone que j’étais déjà dans le bureau de Christian.

-Pourquoi elle ? Lui laçais-je au visage. Rien d’autre n’avait pu sortir de ma bouche.

-Parce que tu es marié, Philomène. Me répondit-il sereinement. Il avait tout compris.

Je m’étais assise face à lui. Tous les deux sommes restés silencieux. Je ne pensais à rien. Hébétée, je fixais le vide. Celle-là, je ne l’avais pas vu venir. J’ai été longtemps en colère. Il m’arrive de l’être encore parfois aujourd’hui.

Quelques temps après, il a pris le temps de m’expliquer sa vision du mariage selon le dessein de Dieu. Je l’entendais difficilement à cause de mes sanglots.

Bien plus tard, nous avions renoué le contact comme avant. Nos échanges étaient redevenus amicaux. Toutefois, je lui avais interdit de me proposer d’être le témoin de qui que ce soit. Je m’étais d’ailleurs arrangée pour qu’on rentre au Cameroun avant leur mariage.

Je n’ai jamais ouvert un seul seul fichier photos de mariage envoyés par Camille. Je n’ai jamais rien raconté de cette histoire à personne. Mais j’ai su plus tard que mon mari avait deviné ce qui se tramait lorsqu’il m’a taquiné durant ma grossesse que si j’appelais l’un des jumeaux, Christian, il appellera l’autre, Emmanuella du nom de son premier amour avant moi.

Est-ce à dire qu’il ne l’a pas oubliée?

Propos recueillis par Emilie Deguillamard

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