Migrants: Appelons ces jeunes « Les fils de l’exil » !

Les loisirs sont indispensables à l’épanouissement des jeunes. Aussi, François Xavier de Lamargé, étudiant français de 22 ans passe son temps libre à occuper les Africains désœuvrés qui errent dans le centre de ville de Marseille et sa région. Pour sensibiliser la jeunesse de son pays au combat qu’il mène, il a diffusé, grâce à une association universitaire, le documentaire « Les migrants ne savent pas nager » de Jean-Paul Mari et Franck Dhelens. Ce reportage raconte l’histoire de l’« Aquarius », un navire qui sillonne les eaux libyennes pour secourir les migrants.

Vous vous occupez de divertir les jeunes migrants. Que faites-vous exactement ?

Avant de continuer, je propose que nous les appelions « les fils de l’exil ». Le mot migrant déshumanise. Mes amis et moi, nous nous sommes mis d’accord pour les appeler autrement. En fait, deux fois par semaine, on se retrouve pour nous divertir le jeudi soir. Et le samedi est réservé aux sorties culturelles.

Qu’est-ce qui motive un jeune homme de votre âge à rencontrer des mineurs arrivés à Marseille ?

Je suis engagé dans le milieu social. J’ai fait un service civique à Toulon où j’ai été auprès des personnes de la rue. Depuis septembre, on a remarqué qu’il y avait des jeunes africains qui erraient. En allant à leur rencontre, j’ai entendu des témoignages de leur parcours. Ce qu’ils ont vécu en Libye, en traversant la mer méditerranée. Ces témoignages m’ont bouleversé. C’est donc naturellement que je me suis tourné vers eux.

Comment reconnaissez-vous un jeune africain fraîchement débarqué en Europe ?

C’est le regard de l’autre qui attire mon regard. D’expérience, j’ai remarqué qu’un jeune qui vient d’arriver a le regard perdu. Il ne sait pas où il est. Alors, il observe. De plus, ils n’ont aucun signe apparent de richesse : casque audio, portable en vue. Ils ont plutôt un bonnet dépareillé et portent des baskets bien usées etc. Il faut être observateur. Mais, c’est l’attitude et le regard qui font tout. Parfois, je me suis trompé et j’ai engagé une conversation avec un jeune qui était soit né ici, soit bien installé. Ça fait toujours une belle rencontre. On parle de ce qu’il fait et je parle de mon engagement à mon tour.

Votre engagement suscite de l’admiration. Entre vos cours et cette activité, trouvez-vous encore le temps de réviser ?

Le rythme d’un étudiant de 3ème année de licence n’est pas du tout soutenu. Vous savez, si on ne va pas à leur rencontre, ils dorment dehors. Autour de la gare Saint-Charles… J’ai commencé à aller à la gare tous les soirs pour repérer les jeunes il y a trois mois. Ça peut me prendre une demi-heure tout au plus. Je vais juste à leur rencontre. Je discute avec eux. J’essaie au maximum d’être au fait de l’actualité politique et locale pour mieux les diriger vers un centre d’accueil.

Vous les dirigez vers les associations avec lesquelles vous travaillez?

Je ne fais partie d’aucune association. Au départ, j’étais en lien avec le milieu associatif toulonnais uniquement car j’ai grandi près de Toulon. Par la suite, j’ai rencontré le responsable d’un collectif marseillais créé pour la cause des jeunes isolés. Je lui ai raconté ce que je faisais à la gare et mon combat a été bien accueilli. Je n’ai aucune solution. Je les dirige juste vers un centre en les informant des conditions d’accueil selon le foyer. Vous savez, je ne suis pas seul à le faire. D’autres personnes sont aussi engagés que moi. Sinon plus!

Justement en parlant des centres d’hébergement. Le gouvernement demande actuellement un recensement par catégorie de migrants dans les lieux d’accueil. Que pensez-vous de cette circulaire du ministre de l’intérieur ?

C’est très difficile de faire le tri entre un migrant légal et un migrant illégal du point de vue humain. Au niveau des associations, ce serait difficile à vivre. Des travailleurs sociaux ne pourront pas, selon moi, renvoyer les jeunes dans la rue. Leur devoir, c’est de les aider !

Et comment vivez-vous avec l’idée que la circulaire Collomb sera bientôt mise en œuvre ?

J’entends la colère des associations. Et cela m’attriste.

Que pensez-vous de la formule « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ? »

Elle me hérisse le poil ! Qu’elle soit encore reprise aujourd’hui est aberrant. Vous savez, si chaque Français ne prend pas la responsabilité de l’accueil à sa mesure par un sourire, un regard, du temps pour une personne désœuvrée ou un don de vêtement ou d’argent au secours populaire, si on n’accueille pas les jeunes qui sont dans les rues, le risque est que les réseaux d’exploitation et de trafic d’être humains s’en charge !

Quant à l’impact de ce slogan généralisateur, je dirais qu’il peut appeler à la xénophobie. J’ignore quelle proportion de la jeunesse française elle touche car nous sommes un grand nombre d’actifs à nous battre pour les valeurs humaines sans tenir compte de la religion ou de la couleur de la peau. Je ne peux pas voir dans l’avenir mais ce que nous faisons ici est beau et inspiré par un sentiment positif. Les moyens de générosité donnés par la France ne sont pas en reste, non plus ! C’est donc que notre pays se bouge pour ses pauvres et parmi eux, les migrants ! Il faudrait donc peut-être retenir que si nous n’avons pas à accueillir toute la misère du monde, nous avons à accueillir chaque personne dans sa misère !

Propos recueillis par Jeanne Ambassa

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