La beauté est un critère important dans le monde. En Afrique, la peau claire et le teint hâlé sont des valeurs esthétiques considérables. Face à cet idéal, la couleur noire foncée apparaît comme un signe de pauvreté ou de négligence.
Largement répandue au Cameroun, le « Djansang » comme on l’appelle ici est à base de compositions risquées et dangereuses pour la santé. Ces produits se présentent sous forme de crème, de lotion, d’huile ou encore de savon qui pénètrent dans la peau. Ils modifient et fragilisent l’équilibre de celle-ci. Les études sur le sujet sont très récentes. « Lorsque l’on aborde la question de la dermatologie des peaux noires, les problèmes liés à la dépigmentation sont récurrents, surtout sur le continent africain. Pour autant, ce sont des questions qui restent assez méconnues dans le milieu médical, même si les choses bougent un peu », affirme le dermatologue Antoine Mahe.
De l’éclaircissement à la dépigmentation
Tout commence souvent par le besoin d’unifier le teint. Les personnes à la peau marquée par l’acné ou les cicatrices sollicitent souvent ces produits parce qu’ils estompent rapidement les tâches et illuminent très vite le teint. Mais pour obtenir ces résultats, certains fabricants introduisent dans la formulation, des substances interdites dans la composition des cosmétiques. Trop dangereuses pour l’homme, l’hydroquinone, le mercure et leurs composés sont détournés de leur vocation première car leur effet secondaire est blanchissant. Donc l’utilisation de ces éléments puissants à des fins de dépigmentation volontaire est malheureusement un phénomène d’ampleur répondant à diverses motivations bien souvent encouragées par des publicités ou par la mode.
Isabelle Mananga Ossey, fondatrice du Label Beauté Noire déclare que « La plupart des femmes en Afrique s’éclaircissent la peau. Elles ne veulent pas forcément la décaper, mais celles issues des villages, qui ont peu de moyens, vont avoir tendance à se procurer des produits sur les marchés locaux qui ne sont soumis à aucune législation. De mauvaise qualité, ces produits vont avoir des conséquences dramatiques, parfois définitives, sur la peau. ».
La pression sociale
Les raisons qui poussent les personnes à vouloir se blanchir la peau restent sociales : « Les motivations déclarées par les patients sont le plus souvent l’imitation. On veut ressembler à une sœur, à une tante, à un ami qui a le teint plus clair. » souligne Antoine Mahe. Dans certaines régions, la pression des hommes peut également être un déclencheur pour les femmes. Un grand nombre d’entre elles partent du principe selon lequel avoir le teint métissé attire les regards.
Des recettes maison dangereuses
Le boom de l’hydroquinone en dermatologie et en cosmétique n’est pas étranger à l’essor de ce phénomène. Au Cameroun, il est possible de trouver des crèmes et des gels à base de corticoïdes et même de plomb dans les pharmacies. Ainsi la ménagère de moins de cinquante ans intensifie ses efforts et s’improvise chimiste en créant des compositions plus ou moins hasardeuses.
Depuis 2020, le gouvernement a fixé à 50% une taxe pour les produits contenants l’hydroquinone. En effet, le marché mondial de la dépigmentation constitue une manne financière conséquente. Et selon l’institut Global Industry Analysts, le chiffre d’affaires de ce créneau pourrait atteindre les 31 milliards de dollars d’ici 2024.
Des effets irréversibles sur la peau et sur la santé
L’usage excessif de produits décapants et blanchissants entraîne le plus souvent des pathologies mineures, « L’hydroquinone finalement ce n’est pas le pire. Les produits les plus dangereux sont ceux comprenant du mercure et des corticoïdes », avertit le Docteur Mahe. Ces décapants peuvent provoquer une insuffisance rénale, le diabète mais aussi le cancer de la peau.